Le 27 août dernier, l’armée israélienne a annoncé la libération de Kaid Farhan Alkadi, à la suite d’une « opération complexe » dans un tunnel de la bande de Gaza. Alkadi avait été enlevé le 7 octobre 2023 dans le kibboutz Magen, frontalier de l’enclave palestinienne. Ce Bédouin israélien de 52 ans y travaillait comme gardien, alors qu’il réside lui-même, comme de nombreux membres de sa communauté arabe, dans un village du désert du Néguev. La libération d’Alkadi après 326 jours de captivité a été saluée par l’ensemble de la classe politique et des médias en Israël, le président Isaac Herzog célébrant « un moment heureux pour l’Etat d’Israël et la société israélienne ». Le village dans lequel Alkadi a retrouvé son foyer et sa famille, Khirbet Karkur, est pourtant sous le coup d’un ordre gouvernemental de démolition de 70 % de ses habitations. Certes, les autorités ont déclaré que la demeure d’Alkadi serait épargnée par une telle démolition, mais ce cas illustre la difficile situation des Bédouins d’Israël, à bien des égards pris entre deux feux.
Sédentarisation et expulsion
Les Bédouins sont implantés depuis des siècles dans le désert aujourd’hui israélien du Néguev, qui s’étend jusqu’à la péninsule égyptienne du Sinaï et au golfe d’Aqaba, ce port jordanien auquel fait face la station balnéaire d’Eilat, en Israël. Ces Bédouins ont développé un mode de vie semi-nomade, combinant agriculture extensive et activité pastorale. L’Empire ottoman avait accéléré leur sédentarisation en établissant en 1899 la ville de Beersheba sur un site connu depuis l’Antiquité, mais abandonné depuis un millénaire. Le Néguev était censé, dans le plan de partage de la Palestine par l’ONU en 1947, revenir à l’Etat arabe qui ne vit finalement jamais le jour. En revanche, Israël, peu après sa fondation en 1948, parvint à vaincre l’armée égyptienne dans le Néguev et à s’en emparer. Sur une population d’une centaine de milliers de Bédouins, tous palestiniens, 80 % furent contraints de fuir, avant tout vers Gaza, alors qu’une vingtaine de milliers demeuraient sur place.
Ayant acquis la nationalité israélienne, cette minorité bédouine vécut néanmoins durant deux décennies sous un strict régime d’administration militaire, réglementant, entre autres, les déplacements dans une telle zone stratégique. Mais les Bédouins eurent la possibilité d’intégrer l’armée israélienne sur une base volontaire, un privilège appréciable dans une société largement militarisée, privilège dont la population arabe d’Israël était de fait exclue, à l’exception des Druzes, soumis à la conscription au même titre que les juifs. C’est souvent la connaissance très fine des confins désertiques qui ouvrait aux Bédouins les postes d’éclaireurs, avant une éventuelle promotion au sein de l’armée. Par ailleurs, des pressions multiformes sont exercées sur les Bédouins pour les contraindre à s’installer dans sept « villes nouvelles », établies de 1968 à 1990, et dont la plus importante est Rahat, peuplée aujourd’hui de quelque 70 000 habitants.
Il vous reste 48.17% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.